Bon’ Fètkaf zot tout !

Article : Bon’ Fètkaf zot tout !
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20 décembre 2017

Bon’ Fètkaf zot tout !

Pas le temps ! Si seulement le 20 desanm était tombé un week-end cette année, j’aurais pu voir en concert gratis Gramoun Sello à Saint-Leu, Wawa à Saint-Pierre ou encore Tiken Jah Fakoly à Saint-Denis. Mais voilà, cette année, la Fètkaf tombe un mercredi et même les marmailles ont cours le lendemain.

Le 20 desanm, c’est en quelque sorte avant même le 14 juillet, bien que l’île soit française, la fête nationale de La Réunion. Le 20 décembre 1848, Sarda Garriga, le commissaire général de la République, décrétait l’abolition de l’esclavage. La Fétkaf, c’était aussi jusqu’à présent l’ouverture d’un mois de festivités : Noël et le réveillon de la Saint-Sylvestre, les letchis à profusion et surtout le début de l’été austral et ses grandes vacances scolaires (il fait trop chaud pour travailler). Mais cette année et c’est la première année comme ça, il y a eu un coup de canif dans le calendrier : les vacances scolaires débutent trois jours plus tard, le samedi 23 décembre. Et l’année prochaine rebelote, les vacances commencent deux jours après la Fétkaf.

J’aurais pu m’organiser me direz-vous. Mais après avoir dégouliné deux jours de suite dans un bâtiment en parpaing avec des ventilateurs à la noix qui ne demandent qu’à se décrocher du plafond (évidemment mon patron est aux commandes dans un bureau climatisé), je n’ai guère le coeur à fêter la liberté, sachant que le lendemain je dois y retourner. Et aussi, il y a Madagascar où je partage la moitié de ma vie. Dans quelques jours, je serai de retour dans l’autre monde vie, alors il faut anticiper les factures et tout le tralala. Comme dirait Firmin Viry, « La liberté kosa i lé ? ». Firmin, lui, c’est un grand monsieur, un homme libre. Il organisait des kabars clandestins, il a même enregistré dans les seventies le premier vinyle de maloya à une époque où les autorités avaient interdit la musique des ancêtres, de peur de voir se propager l’idée d’une indépendance du peuple réunionnais.

Firmin, je l’ai vu en concert le 20 décembre 2009 « chez lui ». Je l’ai attendu toute la nuit le boug’, au bout du chemin qui part de sa case, sur le terrain vague à la Ligne Paradis. Heureusement qu’il y avait de la bonne musique, parce que le maloya, ça c’est de la bonne musique, ça vous prend aux tripes, ça vous met en transe. Heureusement qu’il y avait du cari, du rhum, de la dodo (la bière locale). Et même du zamal ! Mais ça je ne devrais pas le dire parce que même si c’est culturel ici, c’est interdit. Comme quoi, la liberté kosa i lé ? Je me rappelle d’un cafre aux yeux pétillants qui m’a lancé un « Bon Fètkaf, mounoir ! ». J’étais le seul zorey de la partie, fraîchement débarqué depuis ma Picardie natale, rose cramé à cause du soleil de l’été austral. Le gramoun s’est pointé au bout de la nuit avec son kayamb en entonnant « Valet, Valet ». Grandiose !

Hier, veille de jour férié, il y avait un embouteillage le midi au rond-point qui permet d’entrer dans la ville, tout ça parce que le supermarché d’à côté était bondé. Tout ça à cause de ces assistés qui remplissent leur caddy à l’approche des festivités, la prime de Noël vient de tomber (il ne faut pas me prendre au mot, ça c’est mon humour à la Didier Super). Bref, je n’ai eu qu’une heure pour faire une sieste, me doucher, me changer et même manger un truc avant d’y retourner. C’est fou ce qu’on peut faire en une heure quand le système nous transforme en machine. Sur ce, bon’ Fètkaf zot tout !

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