Le 18 octobre 2010, le Conseil Economique et Social de La Réunion alertait les pouvoirs publics en adoptant à l’unanimité la note de sa commission Epanouissement humain intitulée « Les Mahorais à la Réunion, de l’accueil à l’écueil : changer de regard ». En guise d’introduction de la publication, cette phrase, traduction amère du ressenti des migrants vivant à La Réunion.

« Les populations originaires de l’archipel des Comores ne suscitent pas toujours l’empathie de la population réunionnaise. Le malaise s’exprime avec plus d’acuité envers les Mahorais, français depuis 1841. »  publication du CESER, 2010

Qu’ils soient nés à Mayotte ou à La Réunion, les Mahorais réunionnais sont perçus par beaucoup de créoles comme des immigrés. Les femmes habillés du lamba traditionnel ne passent pas inaperçues dans la rue mais contrairement aux idées reçues, les natifs de Mayotte représentent moins de 1% de la population réunionnaise. « Espèce Komor ! », les Komors comme les Mahorais sont trop souvent stigmatisés et ce dès le plus jeune âge dans les cours de récréation. Les Malgaches sont moins touchés par le racisme, peut-être en raison de l’origine du métissage réunionnais, peut-être aussi parce qu’ils sont moins « visibles ». Pourtant les natifs de Madagascar forment la communauté d’origine étrangère la plus importante. C’est en s’appuyant sur ces relents racistes que va surfer le Front National pendant la campagne des présidentielles 2017.

« Moi, j’ai rencontré des gens qui m’ont parlé de problématiques migratoires et qui s’inquiètent d’une augmentation de l’immigration à La Réunion… Je pense qu’il y a des gens qui… se rendent compte que la pression migratoire que fait peser les Comores notamment sur Mayotte entraîne un effet domino. C’est à dire pousse un certain nombre de Mahorais, de plus en plus importants à quitter Mayotte, où ils pensent qu’il n’y a plus d’avenir parce que c’est le chaos, pour venir se réfugier à La Réunion. »  Marine Le Pen, 2016

Marine Le Pen a tenu ces propos délirants sur Réunion 1ère en novembre 2016 stupéfiant les journalistes qui l’interviewaient. Mensonge éhonté concernant l’immigration à La Réunion, toujours « des gens qui », un discours de commérage, du ladi lafé comme on dit chez nous. Elle ne donne aucun chiffre, que du bla-bla… Voici ceux de l’INSEE publiés le 21 avril 2016 : les immigrés ne représentent que 2% des habitants de La Réunion contre 8,8%  en moyenne sur tout le territoire français.

« Et les Réunionnais me disent que l’immigration clandestine est de plus en plus importante. Et les forces de police avec qui vous parlez vous disent évidemment qu’il y a un lien direct entre l’augmentation de l’immigration clandestine et l’augmentation de l’insécurité. Là pour le coup, j’ai pas les chiffres de La Réunion… »   Marine Le Pen, 2017

Et rebelote ! Cette fois sans nommer de communautés ! La présidente du Front National était l’invitée d’Antenne Réunion pour le dernier numéro de l’émission La Réunion compte sur vous réalisée dans un appartement parisien. Le principe était d’inviter un candidat à l’élection présidentielle dans chaque épisode pour un entretien avec une journaliste réunionnaise. L’émission a été retransmise le 21 avril 2017 à 19 heures, deux jours avant le premier tour. La candidate a donné l’impression une nouvelle fois qu’elle mélangeait, volontairement ou pas, la réalité réunionnaise avec le drame humain qui se joue à Mayotte, toujours sans donner de chiffres. La Réunion est complètement verrouillée par la Police aux frontières et l’accès par la mer en toute discrétion est impossible, La Réunion n’est pas Mayotte.

« Un Réunionnais est quelqu’un qui vit à La Réunion, quel que soit son lieu de naissance. »  André Oraison, professeur des Universités en droit public, 2015

La Réunion, une île où s’est ouvert le débat sur la préférence régionale, une île où le président du Conseil Régional souhaite « lancer le combat pour la préférence réunionnaise ». En ouvrant la boîte de Pandore, les politiques ont posé l’épineuse question identitaire : qui est Réunionnais ? André Oraison a donné sa définition du Réunionnais dans un article du journal Témoignages daté du 10 octobre 2015 . Un point de vue qui n’est pas partagé par tous les créoles, quelques uns militent même pour le droit du sang. C’est le cas de Nasion Rénioné, un parti politique qui a recueilli moins de 1% aux dernières élections régionales. Le parti indépendantiste réunionnais a même édité une carte d’identité nationale créole réunionnais : « Demain La Réunion lé libre et indépendante, à ce moment-là ben ce sera les Réunionnais va décider qui lé Réunionnais, qui sera pas Réunionnais… Donc il faut néna au moins un papa, un momon, si na les deux lé mieux. »  Cause toujours !

Le 23 avril 2017, le Front National est arrivé en deuxième position à La Réunion avec 23,46% soit 82 219 voix et s’est positionné en tête dans 10 communes sur 24 ! Le 7 mai 2017, Marine Le Pen a remporté 39,74% des suffrages dans l’île soit 139 873 voix et s’est maintenue en tête dans 2 communes limitrophes. La Réunion, l’île de la tentation Front National.

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